Les performances des horloges atomiques, par exemple celles
au césium 133 dépendent essentiellement du temps d'interaction des atomes avec
les micro-ondes qui modifient l'état d'énergie interne de ces atomes. En d'autres
termes, la qualité d'une information est d'autant meilleure que l'observation
est longue.
Afin de pallier certains dysfonctionnements et ainsi améliorer les performances de l'horloge, de nouvelles solutions consistant à refroidir et à ralentir les atomes de césium ont été testées avec notamment l'utilisation de faisceaux laser.
De l'horloge à la fontaine atomique
Évoluant, les horloges à atomes froids utilisent, au sol, le principe
des fontaines atomiques. Avec une fontaine haute de un mètre, le temps qui sépare les
deux passages par la cavité est de l’ordre de la seconde, ce qui est cent fois
plus long qu’avec un jet atomique conventionnel. C’est pourquoi plusieurs dizaines
de laboratoires de métrologie dans le monde développent des horloges atomiques
à fontaine. L’ENS (École Normale Supérieure) a ainsi collaboré depuis 1989 avec le BNM-LPTF (Bureau national de métrologie - Laboratoire primaire du temps et des fréquence), à
l’Observatoire de Paris, pour développer ces horloges à fontaine atomique.
Celle du BNM-LPTF, mise au point dès 1994, utilise des atomes de césium et son
exactitude relative est aujourd’hui de 1,4 x 10–15 (erreur d’environ une
seconde tous les vingt millions d’années).
Du sol à l'espace, en apesanteur
Dans une fontaine atomique, le temps qui sépare les deux interactions avec la cavité micro-onde est limité par l’accélération de la pesanteur. D’où l’idée de faire fonctionner des horloges à atomes froids en situation de microgravité, à bord de satellites en particulier. Des expériences de refroidissement ont été conduites en 1992 par les physiciens de l’ENS en collaboration avec le CNES (Centre national d’études spatiales), lors d’une série de vols paraboliques en Caravelle permettant d’obtenir des séquences d’une vingtaine de secondes en gravité réduite.
Une deuxième campagne, menée par l’ENS, le BNM-LPTF et le Laboratoire de l’horloge atomique du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), a eu lieu en 1997 avec l’Airbus zéro G du CNES. Cette deuxième série d’essais a consisté à faire fonctionner un prototype complet d’horloge à atomes froids en apesanteur. Cette démonstration représente un pas important vers la réalisation d’horloges à atomes froids embarquées sur satellite, qui seraient dix fois plus précises que les meilleures horloges terrestres : c’est l’objet du projet PHARAO (Projet d'Horloge Atomique par Refroidissement d'Atomes en Orbite).
Le prototype de PHARAO est une horloge atomique spatiale qui utilisera des atomes de césium froids, et qui permettra de porter la précision de la seconde à 16 décimales (10^-16).
Cette horloge est en cours de développement au CNES et bénéficie de la participation de l'Agence Spatiale Européenne dans le cadre du projet européen ACES.
PHARAO sera installée dans la station spatiale internationale en 2013 grâce au cargo spatial japonais HTV.
Des horloges optiques pour une précision de 10^-18
L'évolution des horloges atomiques provient en partie des progrès théoriques que nous faisons sur les atomes, mais aussi des progrès technologiques pour mettre en place de nouvelles techniques de mesure du temps. Ainsi l'horloge atomique se base sur un quartz haute fréquence, les fontaines atomiques, sur des lasers pour refroidir les atomes, et les horloges optiques sur des lasers femto-secondes.
L'objectif des horloges optiques est d'atteindre une précision de 10^-18. Mais il ne faut pas perdre de vue que l'idée générale de toutes ces horloges est d'utiliser certaines propriétés des atomes pour obtenir une fréquence la plus élevée possible. Il ne faut pas pour autant croire que cet objectif soit déjà à notre portée. Beaucoup d'expérimentations sont encore à faire. D'autre part, il existe actuellement deux types d'horloges optiques qui s'opposent par leur conception. L'une faisant appel à un seul atome, et l'autre à un groupe d'atomes. La première serait plus facile à mettre en œuvre mais la seconde plus précise.
Ces horloges consistent à mesurer une fréquence dans le domaine optique correspondant à la transition entre deux niveaux atomiques du 87Sr (Srontium). L'objectif est d'être capable de contrôler la fréquence de la transition de 500 THz (5.10^14 Hz) au milliHertz près, soit 10^-18 en valeur relative. Pour atteindre ce niveau de performance, le mouvement des atomes doit être parfaitement contrôlé.
Ceci est réalisé à l'aide d'un réseau optique permettant de piéger très fortement les atomes et ainsi de geler leur mouvement. Cependant, ce type de piège peut déplacer de façon significative la fréquence de la transition et donc compromettre gravement l'exactitude de l'horloge.
Des études précédentes ont montré que ce décalage en fréquence pouvait être annulé en ajustant la longueur d'onde du laser de piégeage. Mais, au niveau de contrôle requis, il est également nécessaire de considérer les effets d'ordres plus élevés et jusqu'à présent personne n'avait été en mesure de conclure sur ces effets.
Les résultats expérimentaux publiés par Brusch et collaborateurs constituent la première étude de ces effets d'ordres élevés, qui a été rendue possible en faisant fonctionner l'horloge avec une intensité laser sans précédent. Cette étude montre que ces effets ne sont pas une limitation pour atteindre une exactitude future de 10^-18.
Une aventure qui continue
L’aventure de la mesure de la seconde atomique a commencé en 1947 et n'est pas près de s’achever. En 60 ans de recherches et découvertes, la précision de la seconde est passée de 10^-9 à 10^-15 s.
Bientôt (en 2013), avec le projet PHARAO, la précision atteindra les 10^-16. Ce projet ne se résume pas seulement à améliorer les horloges atomiques d'un facteur 10, mais présente grands nombres d'intérêts au niveau de la recherche scientifique et aussi au niveau de l’application. En effet, un des objectifs de PHARAO est de disséminer une échelle de temps ultra-stable avec une couverture mondiale. On pourra alors comparer les fontaines atomiques sur Terre. On pourra réaliser de nouveaux tests de la relativité générale, et autres concepts scientifiques.
A long terme, les scientifiques souhaitent pouvoir utiliser le champ de gravité du Soleil pour réaliser de nouveaux tests plus précis de relativité générale comme la mesure de l'effet Saphiro (retard apparent des photons dans un champ gravitationnel).
Le projet PHARAO nous montre bien que la recherche ne peut avancer sans l'amélioration des techniques et instruments de mesure. Et réciproquement, si on reprend l'exemple de la cavité de Ramsey, l'amélioration des instruments de mesure se fait grâce à la recherche.
Actuellement, ce sont donc les fontaines atomiques qui permettent de réaliser la seconde avec les meilleures performances, grâce aux techniques de refroidissement par laser, et à l’utilisation de la technique d’interrogation de Ramsey. L’incertitude sur l’évaluation de la fréquence de transition, ou exactitude, atteint un niveau proche de 10^ -16. Cependant, ce niveau de performance qui fait de la seconde l’unité du SI définie avec la plus grande exactitude, atteint désormais des limites fondamentales : plusieurs effets limitent actuellement l’exactitude des fontaines, en particulier l’effet Doppler. Même s’il est en principe possible, en contrôlant encore mieux le mouvement des atomes ou au prix d’améliorations de la cavité de Ramsey, de réduire encore ces incertitudes, l’avenir des horloges atomiques réside maintenant dans les horloges dites optiques, qui utilisent une transition optique, et non plus micro-onde, comme transition atomique de référence.
Depuis son lancement en 2000, l'horloge à réseau optique à atomes de strontium a produit de nombreux résultats. En quelques années, il a été possible de s’approcher des performances des horloges atomiques de césium, et la perspective de dépasser les performances des fontaines atomiques est désormais à portée de main.
Actuellement, les projets d'horloge à réseau optique utilisant l'atome de strontium sont nombreux dans le monde, et trois équipes ont déjà publié des évaluations de ces horloges, toutes les trois avec des niveaux de performances comparables. Les meilleures comparaisons sont faites au niveau de 10^–15, ce qui est au même niveau que les horloges atomiques au césium, et l'utilisation de l'horloge optique a donc été proposée pour une représentation secondaire de la seconde par le Comité international des poids et mesures (CIPM). C'est la première étape vers une redéfinition de la seconde référencée sur les horloges à réseau optique qui ont montré leurs capacités.
Le succès de ces horloges optiques ouvre également la voie au développement de projets spatiaux. Après le projet PHARAO mis en place en cette année 2013, on envisage via le projet SAGAS, une sonde gravitationnelle à grande distance, afin d'effectuer d'autres tests scientifiques.